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La propriété intellectuelle et la génomique (suite) : Une solution unique « made-in-Canada » relative aux brevets sur les gènes.

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Dans mon billet précédent du 2 mars 2016, je présentais certaines décisions jurisprudentielles américaines concernant des méthodes de diagnostic rendant très difficile la protection de la PI sur les découvertes liées à la génomique humaine. Au Canada, la cour suprême n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur le sujet. Toutefois, un recours devant la Cour fédérale du Canada avait récemment été intenté par le Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario (CHEO) contre la compagnie Transgenomic Inc, détentrice de cinq brevets sur les gènes qui causent un trouble cardiaque rare, le syndrome QT long. Il y avait donc un espoir que les tribunaux canadiens se penchent enfin sur cette question.

Ce deuxième billet s’avère nécessaire étant donné les récents événements survenus la semaine passée et qualifiés « d’uniques et historiques » dans les médias. En effet, ce recours, qui cherchait à faire invalider les cinq brevets, n’ira pas jusqu’en cour, et encore moins jusqu’en cours suprême, puisqu’une entente vient d’être signée entre les parties.

Cette entente ouvre l’accès du secteur de la santé publique aux tests génétiques protégés par des brevets sur les gènes.

En bref, la société Transgenomic a accepté de fournir au CHEO et tous autres laboratoires et hôpitaux du secteur public canadien, le droit d’offrir le test « QT Long » à des fins non-lucratives. Les brevets de Transgenomic pour le QT long étant ainsi accessibles pour le secteur public dans son entier, il est dorénavant possible d’effectuer le dépistage, le diagnostic et la recherche sur les gènes QT long et leurs produits fonctionnels comme l’ARN et protéines, sans obstacle légal. Les hôpitaux et laboratoires publiques ont donc le choix d’utiliser les tests déjà offerts par Transgenomic ou d’utiliser leur propre test maison pour le QT long (l’entente de licence standard est disponible ici).

Malgré le fait qu’elle n’implique seulement les tests en lien avec les cinq brevets sur le QT long de Transgenomic, cette entente pourrait servir de modèle pour un accès public aux futurs brevets sur les gènes.

Dans un communiqué publié le 9 mars 2016, Richard Gold, professeur en droit et médecine de l’Université McGill qui a conseillé le CHEO sur les aspects politiques de l’affaire, a déclaré : « Cet accord donne au secteur public les outils dont il aura besoin pour voir aux brevets génétiques à l’avenir. Dès maintenant, les hôpitaux et laboratoires publics peuvent demander aux détenteurs de brevets de signer des ententes sans but lucratif semblables. Si le détenteur du brevet n’est pas d’accord, la province peut intervenir et demander au bureau des brevets de donner, au nom de ces hôpitaux et laboratoires, une licence obligatoire selon les mêmes modalités. » (Voir le communiqué de presse)

L’accord résout le conflit immédiat sans recours aux tribunaux. Ainsi, à défaut d’obtenir prochainement une décision jurisprudentielle sur ce sujet, les brevets sur les gènes demeurent donc valides et opposables au Canada. Toutes compagnies souhaitant utiliser commercialement les gènes isolés par l’entremise de tests diagnostiques continueront à déposer des brevets en ce sens au Canada. Pour maximiser les chances d’obtention de ce type de brevet valide, il est recommandé de consulter les directives publiées par l’OPIC en juin 2015, sur la pratique d’examen concernant les méthodes de diagnostic médical (PN 2015-02).

Le communiqué de presse du CHEO présente cette entente comme une victoire pour les patients. C’est aussi une victoire à court terme pour le gouvernement qui verra les coûts de ces tests diminués. Toutefois, cela pourrait entretenir à long terme une certaine incertitude et décourager les activités de R&D pour le développement de nouveaux tests diagnostiques améliorés ou du moins inciter les compagnies à promouvoir et vendre leurs tests diagnostiques innovants ailleurs qu’au Canada.

Vous pouvez également nous contacter directement pour toutes questions en matière de brevetabilité et pour obtenir des conseils sur la propriété intellectuelle : info@brouillette.ca ou remplissez directement le formulaire suivant pour une consultation gratuite.

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